Toutes les actualités
24 nov. 2022Magazine, Races

L’homme qui courait en vert

Courses

L’homme qui courait en vert

La légende du sport automobile britannique David Piper est un homme qui a toujours vécu sa vie comme il l’entendait, y compris en pilotant ses Ferrari dans une couleur différente du Rosso Corsa. Voici son histoire

Texte : Jason Barlow

L’expression « on n’en fait plus des comme ça » aurait pu être inventée pour décrire David Piper. Par où commencer lorsque l’on évoque cet homme extraordinaire et infatigable, symbole de l’esprit de corps unique qui animait autrefois pilotes de course et pilotes privés ? 


Disons tout d’abord qu’il s’y connaît en Ferrari. Après avoir acheté et revendu des Lancia d’occasion, il avait mis suffisamment d’argent de côté au début des années soixante pour acheter sa première Ferrari.


Il se souvient avoir vu une 250 GTO au célèbre Easter Monday meeting de Goodwood en 1962. Il parvint à contacter l’importateur britannique de Ferrari, un autre personnage haut en couleur connu sous le nom de Colonel Ronnie Hoare, et passa rapidement commande. Il récupéra le châssis n° : 3767 à Maranello qu’il pilota à Brands Hatch, au TT de Goodwood, à Crystal Palace et sur le Tour de France (à la suite duquel il obtint le soutien de Ferrari). 





Le choix inhabituel de vert de Piper pour ses chevaux cabrés est venu après l'expiration d'un accord de parrainage avec Esso, le conduisant à accepter un accord avec BP et leur livrée. 




Piper courut également pour la célèbre NART de Luigi Chinetti au Mans en 1963, en pilotant une 250 GTO LMB avec Masten Gregory. Malgré la sortie de piste de ce dernier au niveau de la ligne droite des Hunaudières, ils terminèrent à la sixième place du classement général, complétant cette année-là un top six entièrement composé de Ferrari.  

Puis arriva la deuxième GTO de Piper, une voiture qu’il modifia personnellement en coupant le pare-brise, en abaissant le toit et en ajustant le V12 Ferrari. À ce qu’il paraît, le pilote d’usine Ferrari Lorenzo Bandini la proclama la GTO la plus rapide du monde. Le directeur technique, feu Mauro Forghieri, ne pouvait qu’être d’accord. 

Piper monta en grade et passa à une 250 LM, la Ferrari à la mode à cette époque. Il continua à participer à un nombre ahurissant de courses, notamment au volant des Ferrari 365 P2 et 330 P3/4. 

Bien sûr, Piper était également connu pour ses voitures de course peintes en vert. Juste une couleur, pourrait-on penser. Il n’en demeure pas moins que voir sa 250 LM ou sa 330 P3/4 en « vert Piper », comme on l’a appelé par la suite, met toujours vos sens en éveil. On a tellement l’habitude de voir des Ferrari peintes en rouge... Sa couleur fétiche fit son apparition lorsque son ancien sponsor Esso ne fut plus en mesure de le soutenir après la crise du canal de Suez, qui entraîna notamment une pénurie de pétrole au Royaume-Uni. C’est ainsi que Piper passa au vert BP. « J’aimais choisir une couleur et m’y tenir », remarque-t-il. 





Piper était un tel fan des Ferrari de course du début des années 1960 qu'il les commandait en Italie, les modifiait lui-même, puis les pilotait avec un énorme succès. Un pilote Ferrari a décrit la 250 GTO de Piper comme la plus rapide au monde




C’est une histoire de talent, de confiance en soi et d’opportunisme. Mauvais élève comme il le reconnaît lui-même, Piper était ouvrier agricole lorsqu’il repéra un jour une vieille MG dans le garage d’un client et se précipita à l’intérieur. Comme ce fut le cas pour beaucoup de grands pilotes des années 50, ses succès en club lui permirent de se faire remarquer. Après avoir remporté le Leinster Trophy en Irlande, il fut repéré par le futur champion du monde de Formule 1 pour Ferrari, Mike Hawthorn. 

Et c’est ainsi que commença une vie d’aventures automobiles si colorée qu’il est difficile de croire que tout cela a réellement eu lieu. Un seul exemple : la course sur route à Saint-Étienne en 1957. « Le circuit descendait d’un côté d’une route à deux voies et remontait de l’autre. J’étais roue contre roue avec une Osca sous la pluie et elle m’a poussé sur le terre-plein central. Mon véhicule a fait un tonneau face aux voitures venant en sens inverse et a pris feu. Quand j’ai ouvert les yeux, j’étais entouré de silhouettes encapuchonnées et vêtues de noir. J’ai cru que j’avais passé l’arme à gauche, mais j’étais en fait à l’hôpital local et des religieuses s’occupaient de moi. Adrian Conan Doyle, le fils de l’auteur de Sherlock Holmes, a eu un accident avec sa Ferrari lors de la course et il a passé quelque temps dans le même hôpital. Il a ainsi pu me rendre une paire de lunettes RAF Mk 8 que je lui avais prêtée. »





Piper est vu ici à Silverstone en 1967, conduisant sa Ferrari 250 LM à travers le peloton, les phares allumés et clignotants pour avertir les conducteurs plus lents et poursuivi par une Ford GT40




Piper fut grièvement blessé lors du tournage du célèbre mais laborieux film de Steve McQueen Le Mans en 1970. Il dut être amputé de la partie inférieure de la jambe droite, mais il en fallait plus pour le ralentir ; il apprit à freiner du pied gauche et reprit la compétition six mois plus tard. Selon ses estimations, il a possédé au total cinq GTO neuves et deux d’occasion. Et ce n’est pas tout, il a eu au moins six 250 LM. Aujourd’hui âgé de 91 ans, il en possède toujours une, ainsi qu’une P2 et une 330 P3. 

Et oui, elles sont toutes vertes. 





Partager
Toutes les actualités

Actualités relatives

21 nov.Magazine, Passion

Ferrari à turbo battant

19 nov.Magazine, Cars

Une nouvelle espèce de spider

14 nov.Magazine, Races

Big John