Marco della Cava
Mario Andretti s’est taillé une place de choix dans l’histoire de Ferrari en remportant, il y a 50 ans ce mois-ci, les 12 Heures de Sebring. Aujourd’hui âgé de 80 ans, l’icône de la course automobile prouve que ses souvenirs sont aussi bons que ses réflexes de pilote d’autrefois.
Construit en 1952 sur le site d’une ancienne base de l’US Air Force pour les bombardiers B17, le célèbre circuit Sebring Raceway en Floride a été le témoin de courses inoubliables. Le chapitre le plus riche de son histoire est sans l’ombre d’un doute celui qu’écrivit Mario Andretti pour Ferrari lors de la course des 12 Heures en 1970. Cette année-là, la formation des pilotes débordait de glamour, avec notamment Dan Gurney, Jacky Ickx, Brian Redman, Pedro Rodriguez, Jo Siffert, Peter Gregg et la star hollywoodienne Steve McQueen.
L’équipe Ferrari, composée de trois voitures, devait encore faire ses preuves après le doublé de l’équipe Gulf-Porsche de John Wyer aux 24 Heures de Daytona quelques semaines auparavant. Andretti, qui a signé la pole position au volant de la Ferrari 512 S, déclare : « Nous nous sentions bien, la voiture était au top, et (son coéquipier Arturo) Merzario et moi dominions la course avant que la boîte de vitesses ne tombe en panne ». Sa mémoire étant aussi vive que ses réflexes de pilote, il se souvient : « Nous avons mené la course pendant 179 tours sur 248, et quand nous avons abandonné, nous étions largement en tête. »
De retour aux stands, il dut regarder la Porsche 917K de Rodriguez et Siffert passer en tête, devant Peter Revson et McQueen à bord de la Porsche 908. Rodriguez et Siffert seront contraints de s’arrêter eux aussi à cause d’une défaillance du moyeu avant : Revson et McQueen semblent se diriger vers une victoire prestigieuse. Mais alors qu’il ne reste plus que 30 minutes avant la fin de la course, l’ingénieur Mauro Forghieri, directeur technique de la Scuderia, relance Andretti au volant de la version 512 S non-Spyder conduite auparavant par Ignazio Giunti et Nino Vaccarella. Andretti se souvient qu’il se rendait déjà à l’aéroport pour retourner en Pennsylvanie quand Forghieri le rattrapa.
« Vaccarella était beaucoup plus grand que moi, alors je remarquai immédiatement que je n’étais pas vraiment adapté au gabarit de sa voiture », se souvient Andretti. « Mais à ce stade-là, c’est le désir pur qui vous motive. J’étais comme possédé. » Andretti a roulé joyeusement sur une piste plate de 8,4 km à bord d’une 512 S rouge se conduisant à merveille. « C’était la première fois qu’en course je prenais le premier virage à plat, sans soulever », sourit-il.
Malgré un tour de retard, il se retrouve maintenant devant la Porsche blanche. Mais le sort vient une fois de plus lui jouer un mauvais tour. Forghieri avait prévenu Andretti que la Ferrari pouvait être à court de carburant, et voilà que le témoin s’allume. « À cette époque, si le voyant s’allumait, vous filiez tout droit au stand sans poser de questions. C’est ce que j’ai fait », dit Andretti. Le pilote, anxieux, vécut un bref instant de tension en attendant que quelques précieux litres de carburant soient rapidement pompés dans son réservoir.
Puis il regagna la piste en poursuivant Revson une fois de plus. « Je savais ce que je devais faire », insiste-t-il. « À un virage, avant la longue ligne droite, j’ai plongé et je suis parti sur la piste (de l’aéroport) voisine, mais j’ai réussi à rattraper Peter (Revson). Puis il a tout simplement abandonné. Je crois que la course s’est terminée trois tours plus tard. »
Lorsque Andretti, victorieux, est de retour dans les stands, c’est la folie. « Je n’avais jamais vu autant de personnes aussi heureuses », dit-il. « En fin de compte, c’est toujours agréable de gagner. » Ce triomphe a été le prélude à d’autres victoires sur Ferrari pour Andretti, notamment lors de ses débuts en F1 en Afrique du Sud en 1971.
Le destin lui refusera cruellement une place permanente dans l’équipe de la Scuderia. Quoi qu’il en soit, Andretti est rentré de manière indélébile dans l’histoire de Ferrari grâce à cette victoire extraordinaire à Sebring en 1970, comme en témoigne la foule de Tifosi en liesse qui chanta l’année dernière à l’occasion du quatre-vingt-dixième anniversaire de la Scuderia : « Mario ! Mario ! »
La version originale de cet article a été publiée dans le numéro 46 du Official Ferrari Magazine. Pour lire la version complète, abonnez-vous au magazine