Les meilleures ennemies

23 janvier 2017

Marco della Cava

Un nouveau reportage retraçant la grande rivalité entre Ford et Ferrari dans les années 60


Comme le sont parfois les titres, « The 24 Hour War » est inapproprié. Le tout dernier reportage sorti sur le monde des courses réalisé par les fans de films et de voitures, Adam Carolla et Nate Adams, n’a pas pour objet les 24h du Mans mais la fameuse rivalité entre Ferrari et Ford qui faisait rage mi années 60 pour conquérir le titre de champion de l’une des courses les plus emblématiques du monde.

 

Si l’on veut vraiment parler de guerre, parlons d’un combat opposant de sinistres machines, avec des ingénieurs voyous et de courageux pilotes, se défiant jusqu’à la mort aboutissant, pour le vainqueur du défi, au droit de vanter ses prouesses sportives et, pour l’écurie, à des montagnes d’argent récoltées grâce au buzz commercial qui en a dérivé.

 

Il y a près d’un demi-siècle de cela, Ford avait pratiquement abandonné les courses du dimanche, préférant se focaliser sur les ventes de voitures durant la semaine. Ferrari était plutôt le contraire : c’était surtout une équipe de course automobile amenée à vendre occasionnellement des voitures.

Mais quand le temps de cette rivalité arriva, Ford resta à jamais associé aux exploits de sa GT40 et Ferrari, de son côté, notamment grâce à sa présence télévisée permanente, à la couleur rouge de ses voitures devenues le rêve de tout passionné de voiture d’en posséder une.

 

« Cette rivalité a permis d’en savoir plus sur Ferrari et de ce que la marque signifiait », déclare Adams qui, aux côtés de la vedette de télé et pilote de course Carolla, est déjà l’auteur d’un reportage sur la passion automobile de Paul Newman intitulé « Winning : The Racing Life of Paul Newman », et bientôt de films narrant les exploits de Carroll Shelby et ceux du premier pilote afro-américain, Willy T. Ribbs.

 

« C’est alors que les gens ont compris, pour la première fois dans l’histoire des courses automobiles, qu’une entreprise [Ford] était prête à dépenser des millions de dollars pour gagner », explique Adams. « Pour ce qui est de Ferrari, après ce duel, l’écurie a délaissé les 24h du Mans pour se concentrer sur la Formule Un, comprenant qu’elle n’était pas en mesure d’investir autant que Ford. Au final, cette époque marqua le début de la guerre à celui qui investira le plus pour gagner une course, chose à laquelle l’on assiste maintenant à de nombreux niveaux de course ».

 

Adams révèle que lorsque Carolla et lui-même ont lu le livre d’A.J. Baime, écrit en 2009, traitant de la rivalité Ferrari-Ford et intitulé « Go Like Hell » (dont le film devrait sortir), ils ont compris que toutes les bases pour un drame saisissant étaient réunies.

Après qu’Enzo Ferrari ait repoussé une tentative de rachat de Ferrari par Henry Ford II au début des années 60, le roi de Detroit décida de se venger sur la piste. Et pas sur n’importe laquelle. En effet, celle du Mans représentait non seulement la course la plus éprouvante pour les pilotes et les voitures mais aussi un lieu où Ferrari régnait pratiquement en maître avec son écurie composée des 250 et des 330 et six années de victoire consécutives entre 1960 et 1965, grâce à des pilotes tels que Paul Frère et le champion du monde Phil Hill.

 

Comme le reportage « The 24 Hour War » le montre, Ford a embauché Carroll Shelby pour défier Ferrari mais, à cause d’une équipe de jeunes inexpérimentés et d’un assemblage précipité des voitures, il a remporté un mauvais résultat aux 24 h du Mans de 1965.

 

« Ce n’est pas chose facile de comprendre tout le travail réalisé des deux côtés en matière de construction, conception, assemblage et tests d’une voiture de course, surtout sachant qu’elle doit résister pendant 24 h d’affilée », confie Adams. « Les pistes baignent dans le sang, la sueur et les larmes du monde des courses ».

En 1966, la chance a tourné en faveur de Ford. En dépit d’une menace constante incarnée par les P3 et P4 sinueuses de Ferrari, la première place du podium du Mans des quatre années suivantes reviendra aux pilotes soit des Ford GT40 Mark IIs soit des GT 40 Mark I Gulfs. À leur volant, l’on retrouve des noms emblématiques comme Bruce McLaren, A.J. Foyd et Dan Gurney, tous ayant eu la chance de porter au ciel le grand trophée du circuit de la Sarthe.

 

Après 1969, ni Ford ni Ferrari ne remontèrent sur le podium des 24H pour glorifier leur maison.

 

« C’est vrai, Ford a été le dernier vainqueur de cette guerre avec les victoires des dernières années, cependant, pour moi, ce qui est intéressant à retenir de toute cette histoire, c’est la dualité qui régnait », dit Adams. « Enzo Ferrari ne faisant vraiment qu’un avec la course et c’est à contre-cœur qu’il s’est mis à vendre des voitures de sport. De son côté, Henry Ford II avait tout mais a renoncé au monde des courses après avoir considérablement investi pour battre son rival sur son terrain. C’était une course aux armements mais sur une piste de circuit automobile ».

 

Le reportage « The 24 Hour War » est disponible sur iTunes, Amazon (aux États-Unis) et sur www.chassy.com