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Déjà champion du monde de moto, John Surtees entra dans la Team Ferrari en remportant également le titre de champion de Formule 1. À l’occasion du soixantième anniversaire de ce doublé sportif hors norme – inégalé à ce jour – nous saluons le dernier Britannique à avoir soulevé le titre mondial pour la Scuderia Ferrari

Texte : Davide Marchi

Un seul homme dans l’histoire s’est adjugé les Championnats du monde de moto et de Formule 1. Cet homme s’appelle John Surtees, le dernier Britannique à avoir remporté le titre mondial au volant d’une Ferrari. Surtees était un pilote hors du commun : « C’est de l’essence qui coule dans ses veines ! » affirmait une publicité britannique dans les années 50. Il a baigné depuis son enfance dans l’univers des courses : son père Jack avait un magasin de motos et sa mère Dorothy était elle aussi une motarde. Originaire du Surrey, Surtees a goûté à la compétition à l’âge de seulement quatorze ans lorsqu’il roula en tant que passager à bord du side-car de papa dans une course sur piste en herbe en 1949 à Trent Park. Ils triomphèrent même si Surtees junior fut disqualifié quand les commissaires découvrirent qu’il était encore mineur.




Ci-dessus : la Ferrari 158 F1 en forme de cigare en action au GP de Belgique à Spa-Francorchamps en juin 1964




Mais le jeune homme venait de trouver sa voie et commença à faire de la moto en 1950 au niveau local, avant de passer professionnel en 1952. Il fit ses débuts en championnat du monde moto en Norton, avant de passer à la marque italienne MV Agusta, un duo qui allait devenir l’un des plus triomphants de tous les temps, puisque Surtees remportera sept titres mondiaux : trois dans la catégorie 350 cc en 1958, 1959 et 1960, et quatre autres dans la catégorie reine 500 cc en 1956 puis trois consécutifs de 1958 à 1960. L’histoire raconte que ce fut son compatriote anglais Mike Hawthorn qui lui suggéra en premier de passer aux quatre roues. Le pilote Ferrari venait de remporter l’édition 1958 du Championnat du monde de Formule 1 et, c’est à l’occasion de la réception du Sportif de l’année organisée à Park Lane à Londres que l’espiègle pilote du Yorkshire rencontra Surtees, avec qui il partageait la même table, et lui lança apparemment : « Eh ! John, essaie de piloter une voiture un jour. Elles restent plus facilement debout ! »

Un an plus tard, Surtees est approché par Colin Chapman, le patron de Lotus, celui-ci lui fournit une Formule 1 pour des épreuves sans que cela n’entrave les engagements du pilote dans le domaine des deux-roues. Surtees ne tarda pas à prouver sa valeur en se classant deuxième du Grand Prix de Grande-Bretagne. Chez MV Agusta, il avait appris un peu d’italien puisque les mécaniciens de l’équipe ne parlaient pas anglais. Il était d’ailleurs conscient qu’il en allait de même pour les gens de Maranello et de son fondateur, Enzo Ferrari. Surtees savait que Ferrari était un personnage extrêmement exigeant, qu’il attendait beaucoup de ses ingénieurs et de ses pilotes, quelqu’un qui ne cachait pas son désir brûlant de gagner à tout prix. Pour cette raison, lorsque Maranello prit un premier contact avec le jeune polyédrique anglais, celui-ci s’empressa de répondre poliment « non merci ». Il ne se sentait tout simplement pas encore prêt à s’embarquer pour « la planète rouge ».




Ci-dessus, de gauche à droite : un Surtees à deux roues sur une MV Agusta Bialbero 250cc en 1957 ; avec Enzo Ferrari (à gauche) à Maranello ; Surtees au GP de Monaco en mai 1964 ; remportant le titre de champion du monde de F1 à Ville de Mexico le 25 octobre 1964, aux côtés du vainqueur de la course, Dan Gurney




Finalement, Surtees signa à Maranello en 1963. Enzo aimait les pilotes anglais. Il estimait qu’ils étaient mieux préparés que d’autres, et plus enclins à saisir l’occasion quitte à prendre parfois de plus grands risques. Surtees et Enzo Ferrari se sont immédiatement bien entendu, Enzo appréciait le fait que le pilote étranger parle un peu italien, ce qui facilita l’intégration dans l’équipe. La première saison de Surtees avec la Scuderia arriva après une année de reconstruction à Maranello à la suite d’un exode massif du personnel d’ingénierie, protagoniste des deux titres de champion de Formule 1 en 1961. Néanmoins, il remporta tout de même sa première victoire sur le redoutable tracé du Nürburgring.

En 1964, la Scuderia sortit une voiture flambant neuve, la 158 F1. Elle était motorisée avec un nouveau V8 à 90 degrés développant plus de 210 chevaux grâce à un nouveau système d’injection directe, les choses s’annonçaient bien avec la victoire de Surtees au GP de Syracuse hors championnat. Cependant, le début de saison du Championnat fut moins encourageant. Surtees se classa deuxième aux Pays-Bas mais il fut contraint d’abandonner en trois autres occasions. En Angleterre, il franchit la ligne d’arrivée à la troisième place, ce qui marqua un tournant dans la saison. Il s’est ensuite imposé en Allemagne en août et en Italie en septembre, le replaçant directement dans la course au titre.




Ci-dessus : une vue des coulisses de Surtees dans les stands Ferrari lors de la préparation des 24 heures du Mans en 1966




À Watkins Glen, début octobre, Surtees termina deuxième derrière son compatriote anglais Graham Hill. Ainsi, pour la troisième fois dans l’histoire du championnat, la lutte pour le titre allait être très serrée. Précisément à la fin du mois d’octobre, à l’occasion du grand prix à Mexico. Graham Hill était en tête du classement avec 39 points au volant de sa BRM, Surtees suivait avec 34 points devant Jim Clark de Lotus avec 30 points. Hill pouvait être sacré champion même s’il finissait troisième à condition que Surtees ne gagne pas, ni Clark ou bien que Surtees ne dépasse pas la troisième place. Le pilote de Ferrari avait besoin de gagner ou de terminer deuxième mais Hill devait se classer au mieux en quatrième position. Quant à Clark, s’il voulait remporter le titre, il devait espérer que Surtees se limite à une troisième place et Hill une quatrième.

Au départ, Clark partit en trombe tandis que Surtees restait plus loin derrière. Clark s’empara du premier tour avec deux secondes d’avance sur Dan Gurney (Brabham) et Bandini, tandis que Hill et Surtees remontaient respectivement aux dixième et treizième places. Au 18e tour, Clark menait Gurney, Hill, Bandini et Surtees. Bandini a commencé à mettre Hill sous pression, poussant l’Anglais habituellement imperturbable à brandir son poing de colère au moment de négocier le virage en épingle, après que l’Italien s’est dangereusement rapproché à plusieurs reprises. L’inévitable est arrivé un tour plus tard lorsque la Ferrari a attaqué la BRM à ce même virage en épingle. Les deux voitures sont entrées en collision et ont fait un tête-à-queue. Même si elles purent toutes deux reprendre la course, Surtees s’empara alors de la troisième place.




Ci-dessus : John Surtees court pour Ferrari sur l'Autodromo Hermanos Rodriguez de Ville de Mexico dans sa 158 F1, numéro 7, portant la livrée bleu et blanc du NART




Il s’en est suivi l’une des finales les plus spectaculaires de l’histoire du sport. À huit tours de la fin, Clark, en tête de peloton, glissa sur une flaque d’huile pernicieuse dans le virage en épingle. Gurney franchit la ligne d’arrivée en premier suivi de Surtees à la deuxième place. En conclusion, l’Anglais décrocha le titre avec un seul point d’écart du malheureux Hill, qui finit onzième. Cette victoire offrit également à Ferrari son deuxième titre Constructeurs. 2024 marque le soixantième anniversaire de cette extraordinaire journée sur piste.

« Big John » Surtees, comme on l’appelait souvent affectueusement, est décédé en 2017, à l’âge de 83 ans. Il reste une figure légendaire du sport automobile.





Ci-dessus : quelques instants après la course sur l'Autodromo Hermanos Rodriguez de Ville de Mexico, lorsque Surtees est devenu le premier vainqueur des titres mondiaux sur deux et quatre roues




Depuis Surtees, six autres pilotes britanniques ont couru pour la Scuderia : Mike Parkes (1966-1967), Jonathan Williams (1967), Derek Bell (1968), Nigel Mansell (1989-1990), Eddie Irvine (1996-1999) et Oliver Bearman, qui a débuté au GP d’Arabie saoudite 2024 en mars dernier, terminant septième après avoir remplacé Carlos Sainz, indisposé. Bearman est devenu le quatorzième pilote britannique à piloter une Ferrari en championnat du monde de Formule 1, ce qui signifie que Lewis Hamilton, plusieurs fois champion du monde, deviendra le quinzième en entrant, la saison prochaine, dans la Scuderia Ferrari HP et ravivera ainsi la flamme qui unit les pilotes britanniques au Cheval cabré.




Image de couverture : John Surtees à bord de la 158 F1 pour Ferrari au Grand Prix de France à Rouen-les-Essarts en juin 1964, au milieu d'une saison en montagnes russes qui s'est jouée sur le fil et l'a vu couronné champion du monde de Formule 1 lors de la dernière course

CETTE HISTOIRE A ÉTÉ PRISE EXTRAIT DU NUMÉRO 64 DU THE OFFICIAL FERRARI MAGAZINE


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