Le père de Maglioli souhaitait que son fils devienne médecin, mais ce dernier privilégia le monde imprévisible du sport automobile. Le jeune homme était apparemment fait d’une étoffe bien différente de celle de ses adversaires. « Maglioli est un personnage différent », déclara un ami italien à Sports Illustrated en 1954. « Il n’est pas sauvage. Il ne mange pas beaucoup, il boit moins qu’il ne mange. Il n’est pas un homme à femmes. Il a la tête sur les épaules. C’est plutôt inhabituel pour un jeune Italien. Pour un pilote de course italien, c’est presque impossible ».
Né en 1928 à Biella, dans la région du Piémont, au nord de l’Italie, Maglioli a été initié à la course automobile par son ami et collègue pilote, Giovanni Bracco. Il eut l’honneur de courir pour la Scuderia Ferrari dans trois championnats du monde de F1, en 1953, 54 et 55, même si ses apparitions étaient sporadiques et ses points moindres.
À l’époque, cependant, les courses de voitures de sport attiraient autant les pilotes que les fans, et dans ce domaine, Maglioli allait se montrer tenace. Il disputa 19 fois la Targa Florio, en remportant à trois reprises la difficile course classique sicilienne, et 10 fois la Mille Miglia. Au volant d’une Ferrari 375 MM Coupé avec son coéquipier Mike Hawthorn, il remporta également les 12 Heures de Pescara en 1953. Il est tentant de penser qu’il n’y a pas un seul coin des routes italiennes que ce jeune gladiateur ne connaisse dans les moindres détails.
Pourtant, c’est une course de l’autre côté de l’Atlantique qui sera le théâtre de son plus grand triomphe. De retour au Mexique pour la Carrera Panamericana 1954, Maglioli avait pour monture une nouvelle Ferrari 375 Plus, une œuvre de Pinin Farina aux courbes caractéristiques, équipée d’un châssis retravaillé et d’un nouveau moteur résolument puissant. Avec une capacité de près de 5,0 litres, c’était le V12 le plus volumineux jamais construit par Ferrari, et avec ses plus de 330 ch, il avait la puissance qui allait de pair. Sa suspension était composée d’un nouvel essieu arrière de Dion et des amortisseurs Houdaille, ce qui lui conférait une maniabilité optimale. La voiture était également équipée d’un énorme réservoir de 190 litres, une quantité nécessaire pour la Carrera Panamericana.
Et quelle course ! Extrêmement dangereuse, la première édition est courue en 1950 pour marquer l’achèvement de la section mexicaine allant du nord au sud de la route panaméricaine, soit 3 500 km.
Au départ, elle attirait un groupe hétéroclite de concurrents amateurs, mais très vite, les grosses berlines américaines se retrouvèrent face aux voitures de sport européennes, plus agiles. La liste des pilotes engagés ne tarda pas à rassembler la fine fleur des courses automobiles. Ferrari s’attitra la victoire en 1951, mais Mercedes-Benz gagna en 1952 (malgré un vautour qui percuta le pare-brise de la voiture de tête) puis à nouveau en 1953.
La Panamericana était désormais un événement majeur du sport automobile, qui comptait des catégories distinctes pour équilibrer la compétition. Malheureusement, cette même année, le nombre d’accidents mortels ne fut jamais aussi élevé. Au départ de Tuxtla Gutiérrez, la route longeait les montagnes centrales du Mexique, à 3 000 mètres d’altitude pour ensuite redescendre. Avec ses plus de 3 000 virages, mal négocier l’entrée ou la sortie de l’un d’entre eux était synonyme d’un destin funeste.
En 1954, le défi des adversaires de Maglioli consistait à le dépasser dans les sections sinueuses des montagnes. En effet, la Ferrari était trop puissante pour être rattrapée sur les longues lignes droites, où elle pouvait atteindre 280 km/h. En fait, le principal concurrent de l’Italien cette année-là était un autre pilote Ferrari, un jeune Américain, qui répondait au nom de Phil Hill. Il disputait la course au volant d’une 375 MM de trois ans, qui appartenait au pilote privé Allen Guiberson. Malgré un tempérament nerveux, Hill – futur champion de F1 pour Ferrari – était un pilote né. Il mena en fait la première étape, mais la puissance supérieure de Maglioli ne tarda pas à prévaloir. Dans les plaines désertiques de la dernière étape, près de Juarez, une foule de 100 000 personnes attend l’arrivée des voitures de tête. La Ferrari de Maglioli menait le peloton, après avoir parcouru 3 070 km à une vitesse moyenne de 170 km/h.
« Les coureurs sur route sont comme des joueurs de roulette », déclara Maglioli à la presse après sa victoire. « Nous, les coureurs, savons que c’est dangereux, mais une fois que nous avons la fièvre dans le sang, rien d’autre ne peut nous satisfaire. »
(Post-scriptum : Umberto Maglioli fut le vainqueur des 12 Heures de Sebring au volant d’une Ferrari 275 P en 1964. Il se retira des courses automobiles en 1970 et décéda en 1999.)