Alors que la nouvelle Ferrari 499P s’aligne pour les 24 Heures du Mans 2023, l’objectif est clair. Une victoire offrirait à Ferrari son 10ème trophée au Mans. Une victoire qui, cette année, serait particulièrement mémorable. C’est le 100ème anniversaire de la course de voitures la plus célèbre au monde, que Ferrari a dominée au début des années soixante.
Gagner serait un défi de taille pour un tout nouveau modèle, et la première participation officielle de Ferrari au Mans depuis 50 ans. Pourtant, l’hybride 499P cherchera à rééditer le dernier succès de Ferrari obtenu en 1965.
Revivez les moments forts de la victoire héroïque de Ferrari aux 24 Heures du Mans 1965 qui a marqué six victoires consécutives pour la Scuderia
C’était la sixième victoire consécutive de Ferrari au Mans, la septième en huit ans, et l’une des victoires les plus célèbres de Maranello. Elle était également totalement inattendue, face à la rivalité bien connue des nouvelles Ford GT40 à gros budget.
Ce célèbre duel allait devenir le sujet d’un film hollywoodien Le Mans 66 avec Matt Damon et Christian Bale, dont l’action se déroule justement en 1966. C’était en fait le troisième acte de leur combat au Mans.
Au cours du premier acte, en 1964, Ford a été battue à plate couture. Nous abordons ici le deuxième acte, en 1965. Ford est revenue plus forte et plus motivée. Si son objectif était simple, il n’en était pas pour autant facile : battre les éternels vainqueurs, les Ferrari.
La course a marqué la première apparition de la toute nouvelle voiture sortie de Maranello, la 330 P2 à moteur V12 de quatre litres, vue ici en test
Ford avait énormément investi : 11 voitures engagées, dont la nouvelle GT40 au moteur énorme de 7,0 litres. Parmi les pilotes figuraient l’Américain Phil Hill (ancien champion du monde avec Ferrari) et le Néo-zélandais Chris Amon, qui deux ans plus tard sera le 1er pilote de l’équipe de F1 de Ferrari. Il y avait quatre GT40 de 4,7 litres – considérées comme plus fiables, bien que moins puissantes que la nouvelle version de 7,0 litres – et cinq Cobra à moteur Ford de 4,7 litres.
Pour ne pas être en reste, Ferrari aligne 11 voitures contre les puissantes Ford. Parmi elles, la plus récente 330 P2 engagée par l’usine de Maranello (avec notamment John Surtees comme pilote, champion du monde de F1 en titre avec Ferrari), ainsi que des P1 plus anciennes et des 250 LM engagées par divers pilotes privés Ferrari.
L’un des couples de pilotes les plus remarquables était celui formé par le chevronné pilote américain de F1 et de voitures de sport Masten Gregory et le prometteur autrichien Jochen Rindt, star de la F1 et futur champion du monde.
Également dans la course au volant de l'une des toutes nouvelles 330 P2 Spiders, John Surtees, champion du monde Ferrari F1 en titre
Ils avaient été engagés par l’équipe NART (North American Racing Team) dirigée par l’importateur nord-américain de Ferrari, Luigi Chinetti, le premier à mener une Ferrari vers la victoire au Mans en 1949. Leur 250 LM était cependant trop lente pour rivaliser contre le V8 Ford de grande capacité et le V12 des Ferrari P2 de 4,0 litres, plus récent et plus évolué. Comme prévu, ils se sont qualifiés en 11ème place, à 12 secondes de la Ford la plus rapide.
Phil Hill est parti de la pole dans sa Ford 7,0 litres, devant la Ferrari P2 de Surtees et la deuxième GT40 avec son gros moteur. Comme on pouvait s’y attendre, la puissante Ford prit la tête, suivie par la deuxième Ford de 7,0 litres. Leur rythme était phénoménal, tout comme l’était leur consommation de carburant. Après un peu plus d’une heure, elles étaient tous les deux au stand pour faire le plein.
La voiture numéro 21 gagnante de la course, la 250 LM conduite par l'Américain Masten Gregory et l'Allemand Jochen Rindt, photographiée en route vers la victoire
Ferrari prit alors la tête de la course. Après trois heures, les Ferrari occupaient les cinq premières places. À la septième heure, toutes les GT40 étaient hors course, éliminées par des problèmes de moteur ou de transmission. Les 11 Ferrari étaient toujours en course.
Lors de l’inauguration du Mans en 1923, ses fondateurs voulaient une course qui mettent à l’épreuve la consommation de carburant (car plus la voiture consomme, plus elle doit s’arrêter) et la fiabilité, autant que la vitesse. Et c’est ce qui s’avéra en 1965.
Mais au moment précis où la Scuderia Ferrari semblait sur le point de remporter la victoire, les P2 ont rencontré des problèmes. Ferrari a toujours utilisé la course automobile comme banc d’essai pour ses nouveaux composants et, en 1965, elle a testé de nouveaux disques de frein dotés de perforations d’aération radiales (qui allaient bientôt devenir monnaie courante en course). Ils ont commencé à se détériorer. Les Ferrari plus anciennes et plus lentes ont rapidement remonté le peloton.
Avant et après : un moment d'anticipation calme pour l'Italien Giampiero Biscaldi qui a piloté une Ferrari 275 P2 en course et l'explosion de joie pour les vainqueurs du général Gregory et Rindt
Vingt-quatre heures après le début de la course, le drapeau à damier est agité alors que la Ferrari 250 LM NART de Gregory et Rindt boucle son 348ème tour – cinq tours devant une autre 250 LM engagée par un pilote privé français. Le Belge engagé en 275 GTB se classera troisième : c’était un triplé Ferrari. Et réalisé par trois Ferrari qui n’étaient pas parmi les favorites.
La course de 1965 a démontré l’importance de la fiabilité. Et elle a également prouvé que Le Mans réserve souvent des surprises. Ce fut la dernière victoire de Ferrari au Mans il y a 58 ans.